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Emmanuelle Bautista
Directrice des affaires européennes et internationales de Citeo
PPWR : ce qui va changer à partir de 2026
Après plus de deux ans de négociations, l’adoption définitive du règlement européen sur les emballages et les déchets d’emballages (PPWR) marque une avancée majeure pour l’économie circulaire au sein de l’Union européenne. Inscrit dans le Pacte vert (European Green Deal) qui veut faire du continent européen le premier continent climatiquement neutre d’ici 2050, le texte vise à harmoniser les obligations relatives aux emballages des Etats, des fabricants et des metteurs en marché. Emmanuelle Bautista, Directrice des affaires européennes et internationales de Citeo décrypte ce signal fort et explique les principaux changements à venir pour les acteurs économiques.
En quoi le règlement sur les emballages et les déchets d’emballage constitue-t-il une avancée pour l’économie circulaire en Europe ?
Le règlement, qui s’inscrit dans le cadre du New Circular Economy Action Plan de la Commission européenne, élargit significativement la portée de ses politiques de circularité. La directive SUP (Single-Use Plastics) avait posé des premiers jalons, en interdisant certains types d'emballages et en favorisant l'utilisation de plastique recyclé. L’Union européenne va désormais plus loin et utilise l’économie circulaire comme un levier d’harmonisation, pour lever certaines barrières au marché intérieur et renforcer sa compétitivité sur le long terme tout en limitant la pression sur les ressources. Ces réformes participent pleinement à l’objectif de neutralité carbone à horizon 2050.
Si son ambition a pu être à géométrie variable lors des négociations politiques, ce règlement va en réalité entraîner des changements profonds pour les emballages et la gestion des déchets d’emballages sur le marché européen. En France, cette transition a été amorcée avec la loi AGEC mais pour d’autres États membres, cela représente une transformation et des défis majeurs.
Quelles sont les principales mesures à retenir ?
La PPWR (Packaging and Packaging Waste Regulation) témoigne d’une approche plus globale et ambitieuse en matière de 3R (Réduction, Réemploi, Recyclage) pour les emballages ménagers et industriels et commerciaux. Cela se matérialise par des obligations concrètes : réduction des emballages via l'éco-conception, intégration de matériaux recyclés, instauration d'objectifs de réemploi. Un autre changement majeur est l'obligation de recyclabilité pour tous les emballages à horizon 2030.
Sur le volet prévention et réduction, le règlement invite à limiter les emballages inutiles et à adopter des formats qui réduisent au minimum la quantité d’emballage. Pour les metteurs en marché cela implique de repenser le couple produit/emballage. Les emballages à usage unique doivent quant à eux tendre vers les fonctions techniques essentielles et seront progressivement interdits certains formats d’emballages en plastique, pour les fruits et légumes notamment.
L’éco-conception devient ainsi un levier fondamental. Le règlement fixe également un objectif de prévention aux Etats membres, tout en leur laissant la liberté de choisir les mesures à mettre en place pour y parvenir. Par exemple, l'objectif français de tendre vers la fin du plastique à usage unique en 2040 de la France pourrait concourir à atteindre les objectifs de prévention. Les Etats membres doivent atteindre un objectif de prévention des déchets d’emballages de 5% en 2030, 10% en 2035 et 15% en 2040 (par rapport à 2018).
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En matière de réemploi, le règlement fixe des objectifs de 10% en 2030 et 40% en 2040 pour les emballages pour boissons alcoolisées ou non alcoolisées (sous réserve de quelques exceptions). La définition d’objectifs de réemploi est essentielle, du fait de son efficacité dans la réduction de l’impact environnemental des emballages. Toutefois, pour qu’il s’impose comme solution pertinente, une réponse coordonnée au niveau européen est nécessaire. Le développement de standards, l’établissement d’un système de financement, l’accompagnement des consommateurs ou la collaboration entre toutes les parties prenantes sont autant de conditions de succès dans la construction de systèmes de réemploi à l’échelle. Les acteurs du secteur de la restauration et vente à emporter devront quant à eux s’adapter pour être prêts en 2030, à mettre à disposition un dispositif de recharge et proposer une option d’emballage réemployable.
Dès 2030, tous les emballages devront être conçus pour être recyclables avec des seuils minimaux à respecter pour être mis sur le marché. Pour rendre le recyclage de tous les emballages économiquement viables, le texte introduit une obligation de recyclage à l’échelle en 2035, qui repose sur l’existence, pour chaque classe d’emballages, d’une filière de recyclage effective à l’échelle sur le territoire européen. La conception des emballages en plastique est plus spécifiquement impactée par le règlement car, à partir de 2030, ils devront obligatoirement contenir de la matière recyclée. Le pourcentage varie selon le type d’emballage : entre 10 et 35% de matière recyclée, et entre 25 et 65% en 2040.
Une autre évolution importante concerne la collecte. Pour augmenter les performances de recyclage, la consigne pour recyclage sera obligatoire d’ici le 1er janvier 2029 pour les bouteilles plastiques et les cannettes, sauf dans l’hypothèse où le seuil de 80% de collecte sur ces emballages était atteint en 2026.
Enfin, de manière transversale, le règlement prévoit une harmonisation des marquages qui informent les consommateurs sur les emballages en 2028. Pour faciliter une séparation correcte des déchets d’emballages à la source, les metteurs en marché devront ainsi obligatoirement indiquer les consignes de tri et de réemploi de l’emballage. Ils pourront aussi faire figurer, s’ils le souhaitent, l’intégration de matière recyclée et la consigne pour recyclage.
Selon vous, quelles doivent être les priorités pour les metteurs en marché français ?
Certaines mesures sont applicables directement, d’autres le seront progressivement. Rappelons également que le texte sera applicable 18 mois après sa publication, soit le 12 août 2026. Les entreprises devront travailler sur les objectifs de réduction et sur le réemploi. Mais sur ces deux sujets, des travaux sont déjà largement engagés. Ainsi, avec la démarche ReUse, Citeo travaille sur le réemploi aux côtés de nombreux producteurs, de fédérations et d’acteurs de la GSA et nous verrons un premier déploiement dans 4 régions dès mai prochain. En revanche, il est essentiel de se pencher sur la question de la recyclabilité. Avec le PPWR, les règles en la matière vont beaucoup évoluer et de nombreux emballages ne pourront plus être mis sur le marché après 2030. En ce sens, 2030 constitue un jalon important qu’il faut dès à présent anticiper.
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Comment Citeo accompagne-t-elle les entreprises dans la transition vers ces nouvelles exigences ?
Les acteurs économiques français ont déjà commencé à travailler mais le nouveau règlement nécessite d’accélérer. Nous allons continuer à aider les entreprises à anticiper les impacts du règlement, à s’adapter aux nouvelles mesures qui vont entrer en vigueur et à rester mobilisés sur toute la durée de transformation. Elles vont devoir rentrer dans le détail des mesures et comprendre comment cela les impacte. Si l’on prend l’exemple de ce que le règlement appelle le « marquage », en 2028, le nouveau marquage européen d’information du consommateur sur les consignes de tri et de réemploi devra apparaitre obligatoirement, nécessitant des ajustements significatifs.
Notre accompagnement repose sur deux piliers : un décryptage réglementaire, et des recommandations d’écoconception. Concrètement, cela signifie faire œuvre de pédagogie pour détailler les mesures du texte, pour les rendre accessibles et tangibles, rappeler quand et comment elles entreront en application et pour qui. Les questions liées à la réduction des emballages vont être intégrées dans nos travaux d’écoconception, afin d’aider les entreprises à concevoir des produits à la fois durables et conformes aux nouvelles normes environnementales. Par exemple l’outil TREE qui évalue la recyclabilité en tenant compte de la réalité industrielle, va évoluer pour intégrer les nouvelles exigences européennes. Nos recommandations sont d’autant plus pertinentes que nous participons activement aux travaux européens déclinaison concrète et opérationnelle des nouvelles normes. Vincent Colard, notre directeur R&D et matériaux, par exemple, préside le groupe de travail du CEN (Centre Européen de Normalisation) chargé de contribuer à la définition européenne en ce qui concerne la recyclabilité des plastiques.
En prenant toute notre part à l’élaboration des normes, nous veillons à garantir que les obligations soient concrètes et adaptées aux réalités de l’écosystème, des activités des entreprises et des besoins de nos clients. Nous avons fait valoir ces enjeux, à toutes les étapes de ce processus législatif complexe. Notre rôle est de bien cerner les impacts des propositions du texte, d’évaluer la pertinence de certaines mesures et d’anticiper d’éventuels effets de bord. Nos équipes ont ainsi contribué dès le début aux travaux et consultations de la Commission et mené des échanges avec les autres parties prenantes, comme les représentations permanentes des États membres à Bruxelles, nos homologues européens, le Centre Commun de Recherche de la Commission européenne (Joint Research Centre) ou le ministère français de la Transition écologique. Et notre travail ne s’arrête pas là : une fois que le texte entrera en application, nous poursuivrons nos travaux, y compris pour accompagner au mieux les entreprises dans cette transition. Cela s’inscrit dans le long terme, et nécessite une stratégie et un positionnement adaptés à chaque stade.
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Qu’est-ce qui va changer pour les autres acteurs économiques ?
Le PPWR fixe des objectifs ambitieux de recyclage, qui doivent inciter les collectivités locales à aller chercher encore plus de performance, y compris sur la collecte. La collecte hors foyer doit également davantage être déployée, dans l’espace public et les établissements recevant du public mais également dans les entreprises. L’ensemble des 3R est concerné car les Etats membres doivent définir des objectifs qui passent aussi par la mise en place d’infrastructures de collecte, de tri, de recyclage ou encore la mise en place de la consigne pour recyclage, au bon niveau pour atteindre ces objectifs.
En quoi ce règlement pourrait-il renforcer la compétitivité des entreprises européennes ?
Au-delà des obligations et des défis de mise en œuvre du règlement, la question de la compétitivité du marché intérieur européen se pose. Plusieurs grands textes sont attendus, un Circular Economy Act, un Clean Industrial Act, qui devraient constituer une boussole sur la compétitivité. Car tous ces sujets sont liés et reposent sur un présupposé, celui de la solidité du marché intérieur européen. Si l’on veut un règlement avec une application forte, il nous faut un marché intérieur fort, capable de favoriser la compétitivité de l’industrie européenne. En trame de fond, c’est la survie des entreprises européennes sur leur propre sol qui se joue. Le rapport Draghi sur la compétitivité européenne faisait de l’économie circulaire un levier décisif en la matière. Dans cette perspective, le PPWR représente une opportunité stratégique, tant pour l'environnement que pour la compétitivité des entreprises européennes.
Les grandes étapes du règlement
Le terme exact est « révision du règlement » car le texte remplace une directive de 1994. L’évolution des enjeux climatiques et environnementaux a conduit la Commission européenne à amender ce texte au fil des mandatures, avant d’envisager une révision complète pour l’adapter aux défis actuels. Son objectif premier, face à l’augmentation du nombre de déchets d’emballages liée notamment à l’augmentation des emballages à usage unique, est de limiter la génération de ces déchets. La directive de 1994 se concentrait principalement sur le volet recyclage et s’articulait autour de considérations relativement générales. D’autre part, du fait de sa nature juridique de règlement, le texte s'appliquera au même moment dans tous les Etats membres de l'UE. Ces derniers, contrairement à ce qu’il se passe pour une directive, n'ont pas de mesures de transposition à adopter et devront partir de la même colonne vertébrale. Néanmoins, ils pourront avoir une marge de manœuvre dans la définition de certaines obligations. On peut citer par exemple le choix d’inclure ou non le lait ou le vin et les spiritueux dans la mise en œuvre de la consigne pour recyclage.
Comment le PPWR et la loi AGEC vont-ils s’articuler ?
La loi AGEC peut à certains égards être plus ambitieuse que le PPWR. Certaines mesures de qui ne sont pas reprises telles quelles par le PPWR pourraient néanmoins être maintenues par les pouvoirs publics français, dans la mesure où le règlement laisse des marges de manœuvre aux Etats membres. Un exemple particulièrement significatif concerne les objectifs de réemploi. Alors que le PPWR impose des objectifs spécifiques à certains secteurs, tels que les emballages de boissons alcoolisées et non alcoolisées, la loi AGEC impose des objectifs de réemploi pour tous les secteurs.